Nouvelle loi sur la recherche privée : quel impact pour votre entreprise ?

Le 6 décembre 2024, la loi réglementant la recherche privée a été publiée au Moniteur belge. Cette loi remplace la loi 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé, qui était dépassée, et modernise le cadre légal de la recherche privée en l’adaptant notamment aux évolutions sociétales, technologiques et législatives, notamment celles relatives au RGPD.

Elle induit entre autres des obligations nouvelles pour un employeur qui entendrait recourir par exemple aux services d’un enquêteur.

Les employeurs ont jusqu’au 16 décembre 2026 pour se mettre en conformité avec la loi.

La présente news est destinée à passer en revue les différentes obligations à respecter dans le cadre des relations de travail, principalement au niveau de la collecte d’informations et du contrôle relatifs à des candidats ou à des travailleurs.

Qu’entend-on par « activités de recherche privée » ?

Les « activités de recherche privée » sont celles qui remplissent chacune des conditions suivantes :

  • exercées par une personne physique sur mission d’un mandant (ex. entreprise) ;
  • consistant à collecter des renseignements obtenus par le traitement d’informations sur des personnes physiques ou morales ou concernant les circonstances précises de faits commis par celles-ci ;
  • ayant pour objet de fournir des renseignements au mandant afin de préserver ses intérêts dans le cadre d’un conflit (effectif ou potentiel) ou de retrouver des personnes disparues ou des biens perdus ou volés.

Exemple : au niveau des ressources humaines, une enquête qui serait menée sur un fait commis par un travailleur (incident), sur base de laquelle un employeur souhaiterait entamer une procédure disciplinaire ou envisager une rupture du contrat de travail.

Les travaux préparatoires citent les exemples suivants d’enquête d’incidents : l’analyse d’images de caméras, la demande et l’examen de données en matière de contrôle d’accès, la lecture de serrures électriques ou de lecteurs de badges, l’interrogation de collègues, etc.

Sont par contre explicitement exclus du champ d’application de la loi sur la recherche privée :

  • les « screenings » antérieurs à l’engagement, effectuées par un service du personnel et destinés à recueillir des informations sur un candidat sur Internet, auprès d’anciens employeurs ou de personnes de référence fournies par le candidat. Il n’en reste pas moins, qu’au regard d’autres dispositions légales protectrices de la vie privée (nott. le RGPD), un employeur doit veiller à ce que ces recherches soient réellement nécessaires à la procédure de sélection, qu’il soit d’abord demandé des éclaircissements au candidat lui-même, que le consentement de ce dernier soit obtenu et que surtout, des vérifications ne soit pas systématiquement opérées auprès de tiers ;
  • les activités exercées en exécution d’obligations ou de missions légales qui ne poursuivent pas comme objectif propre la recherche privée. Par exemple : la recherche indépendante du conseiller en prévention qui mène une enquête suite à une demande (in)formelle d’intervention psychosociale, les activités des avocats, des notaires, …


Qui peut exercer des « activités de recherche privée » ?

Les activités de recherche privée sont le plus souvent menées par des prestataires externes, çàd des entreprises autorisées pour la recherche privée.

Une entreprise classique peut cependant elle aussi être directement visée par les dispositions de la loi réglementant la recherche privée, si du moins un service interne à l’entreprise (par ex. le service du personnel) procède de manière structurelle à des activités de recherche privée sur mission de l’entreprise elle-même.   Ce sera le cas si l’activité fait partie des tâches d’au moins un travailleur. La conséquence est que ces services internes (département ou section), à savoir non seulement la (les) personne(s) qui le(s) dirige(nt) mais également le(s) enquêteur(s) privé(s), devront respecter les nouvelles dispositions légales.  Ils ne devront cependant pas, au contraire des entreprises de recherche privée classiques, être autorisés et répondre à certaines exigences (ex. carte d’identification délivrée par le SPF Intérieur).

Les services du personnel qui n’exerceraient qu’occasionnellement des activités de recherche privée ne rentrent a priori pas dans le champ d’application des nouvelles dispositions légales. Il convient cependant de respecter l’autre législation applicable, à savoir le Règlement général sur la protection des données.

Que prévoit concrètement la loi sur la recherche privée ?

La protection des droits des travailleurs reste essentielle lors de la conduite d’enquêtes privées dans un contexte professionnel. Les employeurs et les détectives privés doivent faire preuve de la diligence et de la proportionnalité nécessaires dans les enquêtes impliquant des travailleurs (ex. consentement préalable et information nécessaire à fournir à un travailleur concerné par un interrogatoire, remise d’un rapport écrit, copie gratuite de l’éventuel enregistrement à fournir, …).

Toute entreprise et tout service interne de recherche privée doit disposer d’un délégué à la protection de données (DPD) interne ou externe.

À moins que la nouvelle loi ne l’autorise, les enquêteurs privés ne peuvent pas utiliser de moyens, de méthodes, de procédures ou mesures de contrainte qui sont régis pour les personnes investies de pouvoirs de police, pour les services de sécurité et de renseignement judiciaires et pour les agents de gardiennage.

Certains domaines d’enquête sont explicitement interdits, par exemple les idées politiques, des données sur la santé (bien qu’il existe certaines exceptions), des données relatives à l'implication ou l'affiliation à des organisations syndicales ou mutuelles et concernant des conflits sociaux.

Avant chaque mission, le mandant et le mandataire doivent signer un document écrit de mission d’enquête qui contient certaines mentions obligatoires, notamment une description précise et explicite des intérêts légitimes du mandant. Si le mandant est également l’employeur de l’enquêteur privé, aucun document de mission d’enquête n’est nécessaire, mais l’enquêteur privé doit cependant tenir un registre des missions.

Le mandataire doit remettre un rapport d’enquête écrit au mandant au plus tard un mois après le dernier acte d’enquête.

Le mandant dispose alors de 30 jours pour faire savoir par écrit au mandataire s’il donnera suite ou non au rapport final. Si le mandant n’y donne pas suite, il doit détruire immédiatement les rapports d’enquête et toutes les données qui y sont contenues. Si le mandant donne suite au rapport final et/ou aux données à caractère personnel qui y sont traitées, le mandataire doit d’abord en informer l’intéressé et toute autre personne identifiable. Le mandant ne peut pas utiliser les informations avant que les intéressés n’aient pu exercer leurs droits d’accès, d’ajout, de rectification ou d’effacement de données à caractère personnel.

Les contrevenants aux dispositions de la loi risquent une amende administrative allant de 100 à 25.000 EUR, avec ou sans avertissement préalable. Certaines infractions entraînent par ailleurs la nullité des conclusions de l’enquête.

Les entreprises, les services internes et les organismes de formation de recherche privée doivent payer une redevance et des frais administratifs.

A quoi faire attention au niveau de l’entreprise ?

Un employeur ne pourra mandater un enquêteur que dans l’hypothèse où l’autorisation de réaliser la recherche privée et les modalités d’enquêtes privées sont prévues de manière explicite et transparente dans un règlement établi au niveau de l’entreprise. Ce dernier peut prendre différentes formes : une convention collective de travail, un règlement de travail, une policy, ou tout autre décision du conseil d’entreprise autorisant les activités d’enquête pouvant avoir lieu sur le lieu de travail et sur leur déroulement.  


Les entreprises ont jusqu’au 16 décembre 2026 pour se conformer à ce qui précède. Passé ce délai et à défaut de règlement, les entreprises ne pourront plus effectuer d’activités de recherche privée à l’égard de leurs travailleurs.

Dans tous les cas de figure, les rapports d’enquête non conformes aux exigences légales seront frappés de nullité.

La durée de l’observation d’une personne physique durant une même mission ou des missions successives pour le même employeur et avec la même finalité est limitée à une durée inférieure à 4 jours (96 heures) consécutifs ou non, répartis sur un mois

Si un employeur utilise des informations provenant d’un rapport d’enquête, le travailleur concerné doit être informé du traitement des données à caractère personnel (RGPD) et de ses droits en la matière.  L’employeur devra en outre attendre que la personne visée par l’enquête ait pu exercer ses droits.  Il conviendra de faire preuve de prudence lorsque l’employeur devra combiner le respect de cette règle et le respect de certains délais légaux, tels que les délais applicables aux licenciements pour motifs graves. 

Entrée en vigueur

Ces changements sont entrés en vigueur le 16 décembre 2024 et les employeurs ont deux ans, soit jusqu’au 16 décembre 2026, pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions.



N’hésitez pas à prendre contact avec nos collaborateurs.

Cordialement,

L'équipe du SST Secrétariat Social


Source :  Loi du 18 mai 2024 réglementant la recherche privée (M.B. 6 décembre 2024, p. 131884)

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