Réforme des droits d'auteur: point de la situation !

Apparu en 2008, le régime applicable aux droits d'auteur est progressivement monté en puissance au point de concerner en 2022 466 millions d'euros de revenus bruts. 

La loi programme de fin 2022 a décidé de donner un coup de frein au système, considérant que des situations variées, parfois trop éloignées des situations initialement visées, donnaient lieu à l'application des régimes sociaux et fiscaux favorables. 

Les dernières adaptations du système au regard de la sécurité social étant intervenues pas plus tard que fin septembre 2023, le moment est venu de faire le point de la situation de la réforme dans le cadre de la présente news, en ce compris sur le régime transitoire ainsi que la possibilité de régularisation en vigueur jusque fin de cette année. 

Indemnités pour droits d'auteur: de quoi s'agit-il?


La définition de l'indemnité pour droits d'auteurs est identique tant en matière de sécurité sociale qu'au regard de la législation fiscale. 

Est considérée, depuis le 1er janvier 2023, come "indemnité pour droits d'auteur", l'indemnité provenant de: 

  • la cession ou de l’octroi d’une licence par le titulaire originaire, de droits d’auteur et de droits voisins, visés au livre XI, titre 5, du Code de droit économique ou par des dispositions analogues de droit étranger ;
  • qui se rapportent  à des œuvres littéraires ou artistiques originales visées à l’article XI.165 du même Code ou à des prestations d’artistes-interprètes ou exécutants visées à l’article XI.205 du même Code ;
  • en vue de l’exploitation ou de l’utilisation effective, sauf en cas d’évènement indépendant de la volonté des parties contractantes, de ces droits, conformément aux usages honnêtes de la profession, par le cessionnaire, le détenteur de la licence ou un tiers.

Cette référence au Code de droit économique implique dorénavant un définition plus précise et plus restrictive de la notion d’« œuvres », de « prestations » et de « droits d’auteur », même si, dans certains secteurs d’activité (ex. l’IT), elle semble donner lieu à des discussions et/ou interprétations divergentes.

Conditions pour le bénéficiaire des droits d’auteurs

Précédemment, le titulaire des droits d’auteur ne devait remplir aucune condition spécifique.  Dorénavant, cela change. En effet, le bénéficiaire-même du système avantageux des droits d’auteur doit :

  • soit être titulaire d’une « attestation du travail des arts » visée par la loi portant création de la Commission du travail des arts et améliorant la protection sociale des travailleurs des arts.  La carte d’artiste actuelle est cependant admise, tant que la nouvelle attestation n’existe pas ;
  • soit, à défaut de cela, transférer ou donner en licence les droits concernant leur œuvre protégée par le droit d’auteur ou leur prestation protégée par un droit voisin à un tiers aux fins de communication au public, d’exécution ou de représentation publique, ou de reproduction.

Volet social


Une indemnité pour droits d’auteur, telle que définie supra, ne sera pas assujettie à l’ONSS si les 3 conditions suivantes sont simultanément respectées :

  • durant la période de quatre trimestres de l’année civile, le montant accordé en tant qu’indemnité pour la cession ou la concession sous licence des droits d’auteur et droits voisins, s’élève à maximum 30% de la somme  :
    • du montant total de la rémunération assujettie à la sécurité sociale, auquel le travailleur a droit à charge de son employeur ;
    • ET du montant total des indemnités accordées par son employeur pour la cession ou la concession sous licence des droits d’auteur et droits voisins ;
  • tant la rémunération que l’indemnité pour droits d’auteur et droits voisins doivent être déterminées de manière conforme au marché. L’employeur doit tenir à la disposition de l’ONSS les pièces justificatives des différents éléments d’appréciation, celles-ci pouvant être demandées lors d’un contrôle  ;
  • le montant de l’indemnité pour droits d’auteur et droits voisins doit être indiqué dans la DmfA du trimestre au cours duquel l’indemnité est accordée.

Si ces 3 conditions ne sont pas remplies, l’indemnité sera entièrement assujettie aux cotisations sociales. Si, par contre, seule la première condition n’est pas respectée (et que les deux autres le sont), ce n’est que le montant dépassant les 30 % de la somme décrite ci-avant qui sera assujettie à l’ONSS.
 
Quelques précisons pour la première condition (30 %) :

  • l'indemnité pour cession de droits d'auteur peut donc s'élever au maximum à 30 % de la somme (= 100 %) de ces indemnités (maximum 30 %) et de la rémunération soumise à l'ONSS (minimum 70 %) ;
  • par rémunération soumise à l'ONSS, on entend la somme des montants sur lesquels les cotisations sociales ordinaires sont dues, qui doivent être mentionnés sur les déclarations trimestrielles des 4 trimestres de l'année calendrier ;
  • sont pris en compte pour déterminer le rapport 30/70:
  • les avantages en natures sur lesquels des cotisations sont dues sont pris en compte à la valeur (dans certains cas fixée forfaitairement) sur laquelle les cotisations sociales ordinaires sont dues.
  • ne comptent par contre PAS pour déterminer la rémunération à prendre en compte:
  • double pécule de vacances,
  • titres-repas, écochèques,
  • voitures de société,
  • versements pour une pension extra-légale, 
  • indemnités de rupture et pécule de vacances de sortie;

Il s'agit donc de rémunération sur la période de prestations réelles.

  • ne comptent PAS pour déterminer la partie droits d'auteur:
  • indemnités pour la cession de droits d'auteur octroyées directement par une société de gestion; les indemnités octroyées via les sociétés de gestion ne sont pas prises en compte pour déterminer le rapport 30/70; en principe comptent uniquement les indemnités pour cession de droits d'auteur octroyées par l'employeur, déclarées en DmfA.

Régularisation possible jusqu’au 31 décembre 2023

Si un employeur a octroyé des indemnités pour droits d’auteur, que celles-ci, à tort, n’ont pas été déclarées à l’ONSS mais bien déclarées à l’impôt des personnes physiques comme revenus mobiliers, il a l'occasion de remonter dans le passé pour déclarer également à l'ONSS les montants d’indemnités concernés pour la période 2018 - 2022 via une déclaration modificative de la période concernée.
La déclaration de ces montants régularisés ne donnera plus lieu au paiement à l'ONSS de cotisations, majorations, indemnités forfaitaires ou intérêts de retard.
A l’origine, la date ultime prévue pour la régularisation était le 30 juin 2023.  Un récent arrêté royal prévoit cependant la possibilité d'encore régulariser jusqu'au 31 décembre 2023 les indemnités pour la cession ou l'octroi d'une licence de droits d'auteur non déclarées correctement à l'ONSS. Il s'agit d'une possibilité, pas d'une obligation.
 
Le but est seulement d'éviter des régularisations ultérieures avec des arriérés de paiement, des majorations, des forfaits ou des intérêts de retard. A contrario, après le délai permis pour régulariser, les régularisations normales avec cotisations et majorations de cotisations seront appliquées aux indemnités non déclarées correctement.
 
Dans ses récentes instructions, l’ONSS apporte les précisions suivantes :

  1. Qui peut procéder à ces régularisations ?

Il s'agit des employeurs qui payent ces indemnités pour des prestations:

  • qui relèvent du champ d'application des nouvelles mesures (voir supra), çàd qui se rapportent à des œuvres littéraires ou artistiques originales ou comme artistes exécutants.  Il ne s’agit donc pas d'activités professionnelles indépendantes des activités artistiques ;
  • sous contrat de travail ou comme artistes engagés sous article 1 bis ;
  • pour la cession de droits d'auteur.
  1. Comment faire la déclaration ?

L’employeur effectue avant le 31 décembre 2023 une déclaration à l’ONSS de toutes les indemnités non déclarées à l'ONSS, correspondant aux montants qui ont été déclarés à l'impôt des personnes physiques pour les années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022 comme des revenus mobiliers visés à l'article 17, § 1er, 5°, du CIR 92 et sur lesquelles des cotisations sociales n'ont donc pas été payées. 
Cette déclaration s'effectue en déclarant ces montants rétroactivement avec le code rémunération 47 sur la DmfA, en principe de chaque trimestre dans lequel de telles indemnités ont été octroyées. Pour simplifier cette déclaration, l'ONSS accepte toutefois que le montant total octroyé pendant un an soit mentionné sur la déclaration du 4ème trimestre de cette année. Il s'agit de régulariser des montants ne donnant plus lieu au paiement de cotisations, majorations, indemnités forfaitaires ou intérêts de retard à l'ONSS.
 
Après le 31 décembre 2023, une déclaration rétroactive avec le code rémunération 47 ne sera plus possible pour des prestations antérieures au 1er janvier 2023. Si l'ONSS constate ensuite que de telles indemnités ont été octroyées et n'ont pas été déclarées, des cotisations de sécurité sociale seront dues pour la période non prescrite.
 
Contrairement à la déclaration du montant maximal convertible (voir ci-dessous), il convient que même les employeurs qui n'octroient plus d'indemnités de droits d'auteur à partir de 2023 effectuent cette déclaration. Cela vaut même pour les employeurs qui n'occupent plus de personnel et même si l'entreprise n'existe plus.
Cette possibilité de déclaration rétroactive sans cotisations sociales vaut uniquement pour l’employeur qui n'a pas déclaré ces indemnités à l'ONSS dans le passé. Celui qui les a bien déclarées et qui a donc payé des cotisations sur celles-ci ne peut pas récupérer ces cotisations.


Condition supplémentaire : interdiction de conversion de la rémunération en droits d’auteur

Pour être considérée comme une indemnité exonérée de cotisations ONSS pour la cession ou l'octroi d'une licence de droits d'auteurs et de droits voisins, il ne doit PAS s'agir d'indemnités octroyées en remplacement ou en conversion de la rémunération, des primes, avantages en nature ou quelque autre avantage ou complément, passible ou non de cotisations ONSS.
En d’autres termes, si les droits d’auteurs ont été ou sont octroyés en remplacement ou en conversion de la rémunération, primes, d’avantages en nature ou d’un quelconque autre avantage ou complément à tout ce qui précède, passible ou non de cotisations ONSS, même si les trois conditions décrites supra sont respectées, ces droits d’auteurs sont assujettis à l’ONSS.
 
Une exception à ce principe a cependant été prévue par le législateur : des indemnités pour droits d’auteur, qui ont été auparavant déclarés à l’ONSS comme rémunération, peuvent être octroyées en conversion ou en remplacement de rémunération à partir du 1er janvier 2023 si les conditions suivantes sont respectées :

  1. l’employeur a déclaré ces avantages à l’impôt des personnes physiques cette indemnité comme revenu mobilier pour la période imposable 2022 ou 2021, 2020, 2019 ou 2018 ;
  2. la conversion est limitée au plus petit des montants suivants, pour l’année 2022 ou 2021, 2020, 2019 ou 2018 :
    • soit le montant déclaré à l’impôt des personnes physiques comme revenu mobilier
    • soit, la différence entre l’indemnité déclarée auprès du fisc et l’indemnité déclarée auprès de l’ONSS comme rémunération en exécution d’un contrat de travail ;
  1. l’employeur déclare, avant fin 2023, auprès de l’ONSS le montant à convertir et présente sur demande la preuve du montant converti. Il s’agit du montant pour 2022 mais lorsque rien n’a été déclaré en 2022, il s’agit du montant pour respectivement 2021, 2020, 2019 ou 2018 ; de cette façon, une apparente diminution de rémunération dans le cadre d’une occupation continuée est justifiée.

 
Le montant convertible à communiquer doit être déclaré via une application spécifique mise à disposition par l'ONSS à cet effet sur le site portail de la sécurité sociale (respectivement pour les entreprises et pour les secrétariats sociaux). Cette déclaration est possible depuis le 2 octobre 2023 et devra être effectuée au plus tard le 31 décembre 2023.
Dans la réglementation il est question de mention du montant de 2022, ou s'il n'y en a pas, celui de 2021, 2020 etc.. L'ONSS interprète cette règle comme suit: si le montant calculé sur base de 2022 (ou la dernière année au cours de laquelle des droits d'auteur ont été octroyés) est inférieur à la moyenne des 5 dernières années (2018-2022), cette moyenne peut être déclarée comme montant maximal à convertir, ceci pour éviter qu'un montant trop différent de celui de l'année précédente n'affecte trop fortement la situation.
Attention, la communication du montant maximal convertible n'est requise que pour les travailleurs qui, au cours de la période 2018-2022, ont reçu une indemnité pour droits d'auteur en vertu d'accords salariaux qui ont été conclus à ce moment-là et qui restent inchangés.


Volet fiscal

Outre les restrictions du champ d’application (voir supra), la législation a introduit de nouveaux plafonds pour pouvoir bénéficier du régime fiscal favorable.  Un régime transitoire est cependant prévu pour certains bénéficiaires de droits d’auteur en 2022.

Plafond maximal

Les droits d’auteur peuvent être considérés comme des revenus mobiliers dans la mesure où ils n’excèdent pas le montant annuel de base, soit 70.220 EUR (montant pour les revenus 2023). Au-dessus de ce plafond, ils sont imposés au titre de revenus professionnels.
Ce montant est proratisé en fonction de la durée de la période imposable, si elle est inférieure à une année civile pour une raison autre que le décès.

 
Plafond relatif
Concomitamment à ce qui précède, le rapport entre les rémunérations de droits d’auteur et les rémunérations totales, qui comprennent les rémunérations pour les prestations fournies, ne peut pas dépasser 50% en 2023, 40% en 2024 et 30% à partir de 2025.
 
Limite maximale pour la moyenne des 4 périodes imposables précédentes
Une nouvelle condition est également instaurée : le revenu moyen annuel des droits d’auteur, qui ont été perçus au cours des quatre périodes imposables qui précèdent la période imposable concernée, ne peut pas excéder le montant de base pouvant faire l'Object du traitement fiscal avantageux (70.220 € en 2023).


Précompte mobilier de 15 %

Dans le respect des conditions légales et des limites fixées ci-dessus, les droits d’auteur peuvent être considérés comme des revenus mobiliers soumis à une retenue de 15 %, après application d’un forfait de charges professionnelles, qui se présente comme suit :

De A Frais forfaitaires
0 EUR 18.720 EUR 50 %
18.721 EUR 37.450 EUR 25 %
Au-delà de 37.450 EUR 0 %

 
Montant maximum de frais forfaitaires pour 2023 : 14.042,50 EUR.
 
Chaque débiteur de revenus doit retenir et verser le précompte mobilier sur les montants qu’il attribue ou met en paiement au bénéficiaire de ces revenus.

 

Exemple chiffré

18/04 05/05 16/07 23/10
Imposable 10 000 5 000 7 000 6 000
%age de frais applicable 50% 50% 50 % sur 3720 et 25 % sur 3280 25 %
Montant des frais 5 000 2 500 2680 1 500
Base pour la retenue du PM 5 000 2 500 4320 4 500
PM à retenir et verser (15 %) 750 375 648 675

 

Régime fiscal transitoire pour 2023

Pour les contribuables qui ont bénéficié en 2022 du régime fiscal favorable et qui ne peuvent plus s’en prévaloir en 2023 dans le cadre du nouveau régime, l’évaluation de cette condition se faisant dans le chef du bénéficiaire des droits d’auteur, un régime fiscal transitoire reste cependant d’application.
Pour l’application de celui-ci, le plafond de base au-dessus duquel les revenus de droits d’auteur sont traités comme des revenus professionnels, ainsi que les plafonds en matière de frais forfaitaires, sont cependant réduits de moitié.
Concrètement, en 2023, le plafond de base s’élève dans ce cas à 35.110 EUR et les plafonds en matière de frais forfaitaires à

  • 50 % jusqu’à 9.360,00 EUR
  • 25% entre 9.360,01 EUR et 18.720,00 EUR,
  • avec un maximum de 7.020,00 EUR.

Sources : Loi-programme du 26 décembre 2022 (M.B. 30 décembre 2022, 1ère édition, p. 102925)
Arrêté royal du 7 avril 2023 modifiant l'article 19 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (M.B. 14 avril 2023, p. 39103)
 

Vous souhaitez rester informé des dernières actualités sociales ?

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle qui sélectionne pour vous l'essentiel des actus.

Connexion

Connectez-vous avec les identifiants reçus par mail lors de la création de votre compte.

Connexion via vos codes identifiants


Mot de passe oublié ? |  Identifiant oublié ?

×

 

Vous souhaitez rester informé des dernières actualités sociales ?

Inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle qui sélectionne pour vous l'essentiel des actus en cliquant sur le bouton "Inscription", le formulaire d'inscription vous sera alors proposé.

 

×

Formulaire d'enregistrement

Creation de votre compte via des codes identifiants ?

Veuillez remplir les champs ci-dessous pour lier votre compte "e-services" à votre nouveau compte "MySST".


  ou   Connexion
×