Dispense de versement de précompte professionnel pour travail de nuit et/ou en équipes : comment ça fonctionne ?

En cas de travail de nuit ou en équipes, les employeurs ont la possibilité d’être dispensés de verser au Trésor (et donc de conserver) tout ou partie du précompte professionnel retenu sur les rémunérations imposables des travailleurs qu’ils occupent.


Pour le travailleur, aucune conséquence n’en découle : la totalité du précompte professionnel (en ce compris la partie qui n’est pas versée au Trésor) est reprise sur sa fiche fiscale et est imputée à l’impôt final dû.
Ce système existe depuis le 1er juillet 2004 et a évolué au fil du temps.


Nous détaillons ci-dessous le régime actuellement applicable pour la dispense de versement de précompte professionnel en cas de travail en équipes et/ou de nuit. Nous aborderons prochainement le système propre en travail en équipe pour des travaux immobiliers.
 
Définitions

Par « travail de nuit », on entend l’occupation comportant, conformément au règlement de travail applicable dans l’entreprise, des prestations entre 20 heures et 6 heures, à l’exclusion des prestations se situant uniquement entre 6 heures et 24 heures et de celles qui commencent habituellement à partir de 5 heures.
 
Par « travail en équipes », on entend l’occupation qui se compose d’au moins 2 équipes comprenant 2 travailleurs au moins, lesquelles font le même travail tant au niveau du contenu que de la quantité.  L’ampleur du travail ne doit pas être identique mais à tout le moins comparable, l’appréciation se faisant au niveau de l’équipe et au niveau de chaque travailleur individuel. Ces équipes doivent se succéder dans le courant de la journée sans qu’il n’y ait d’interruption entre elles (sauf éventuellement une pause de max. 15 min) et sans que le chevauchement excède 25 % de leurs tâches journalières.
On peut également tenir compte des régimes atypiques de travail de nuit et/ou en équipes, c’est-à-dire des régimes dans lesquels des travailleurs effectuent, selon un cycle préétabli, un travail de nuit et/ou en équipes par exemple la deuxième semaine de chaque cycle, la première semaine donnant quant à elle lieu à des prestations classiques.
 
Par « travail en continu », on entend une occupation qui se compose de 4 équipes au moins comprenant au moins 2 travailleurs, lesquelles font le même travail tant en ce qui concerne son objet qu’en ce qui concerne son ampleur, qui assurent une occupation continue tout au long de la semaine et le week-end et qui se succèdent sans qu’il y ait interruption entre les équipes successives et sans que le chevauchement excède un quart de leurs tâches journalières.  Le temps durant lequel l’entreprise opère, c’est-à-dire le temps de fonctionnement, est d’au moins 160 heures sur une base hebdomadaire.
Un régime de travail en 3 équipes pendant la semaine, complété par une équipe distincte le week-end ne peut pas être considéré comme régime de travail en continu. 
 
Quid d’une équipe de « soutien » / de jour ?

Les conditions pour déterminer s’il s’agit d’une entreprise où s’effectue un travail en équipes sont examinées sur les équipes qui se succèdent tel que cela figure dans le règlement de travail. Pour l’examen de ces conditions, il est fait abstraction de l’« équipe de jour » qui chevauche éventuellement les équipes, c’est-à-dire les travailleurs qui prestent suivant un horaire fixe et qui viennent renforcer l’équipe du matin et de l’après-midi.
 
Exemple : une entreprise dispose d’un établissement dont le règlement de travail stipule que l’équipe 1 (6h-14h) est suivie par l’équipe 2 (14h-22h). En outre, il y a un certain nombre de travailleurs employés dans l’entreprise avec un horaire fixe (8h à 16h) qui renforcent les équipes 1 et 2. Ces travailleurs prestent dans l’équipe dite « de jour » et exécutent des tâches de soutien (ex. membres du service médical, membres du service des ressources humaines)
 
Les travailleurs qui prestent dans les équipes 1 et 2 reçoivent une prime d’équipe, les travailleurs qui prestent dans l’« équipe de jour » n’en reçoivent pas. Les conditions afin de vérifier s’il s’agit d’une entreprise où s’effectue un travail en équipes sont examinées dans le chef de l’équipe 1 et de l’équipe 2. On ne tient pas compte des travailleurs de l’« équipe de jour ». L’équipe 2 suit l’équipe 1 sans interruption et sans chevauchement. Pour autant que toutes les autres conditions soient remplies (voir ci-dessous), l’entreprise peut appliquer la mesure sur les rémunérations des travailleurs qui prestent dans les équipes 1 et 2.  Mettons bien en exergue que les travailleurs qui prestent dans une « équipe de jour » ne peuvent pas recevoir de prime d’équipe, sous peine d’hypothéquer l’application du système de dispense de versement du précompte professionnel.
 
 Il se pourrait cependant que les équipes elles-mêmes soient composées de manière hétérogène et comprennent en leur sein des travailleurs qui exercent une fonction de soutien de cette équipe. Mais attention : pour entrer en considération pour la dispense, ces fonctions de soutien doivent elles-mêmes remplir les conditions du travail en équipes.
 
Obligation de payer une prime minimale

La dispense de versement de précompte professionnel pour travail de nuit et/ou en équipes ne s’applique que dans les entreprises (ou dans les sociétés d’interim qui mettent des travailleurs à la disposition des entreprises où est effectué du travail de nuit et/ou en équipes) qui paient une prime d’équipe ou de nuit sur laquelle un précompte professionnel est dû.

Depuis le 1er avril 2022 :

  • la prime d’équipe doit être au moins égale à 2 % du salaire horaire brut contractuel ;
  • la prime de nuit doit être au moins égale à 12 % du salaire horaire brut contractuel.

 
Cette prime peut être forfaitaire (ex. 100 EUR par mois), du moment qu’elle atteigne les seuils minima ci-dessus détaillés et qu’elle soit payée, qu’elle qu’en soit la dénomination formelle, à tous les travailleurs effectuant des prestations en équipe et/ou de nuit.
La prime d’équipe peut être mentionnée séparément sur la fiche de paie mais ce n’est pas une exigence.
Dans le cas où le travail d’équipe est également exercé de nuit, il suffit que l’employeur octroie une prime d’au moins 2 % pour ce travail de nuit. C’est en effet la dispense pour le travail d’équipe qui est appliquée dans ce cas et non pas la dispense pour le travail de nuit.
Tous les travailleurs effectuant du travail en équipe ou du travail dans un système en continu doivent recevoir une prime d'équipe pour ouvrir le droit à la dispense.
 
Une indemnité de garde est une indemnité attribuée aux travailleurs en compensation pour leur participation à un service de garde. Une telle indemnité ne constitue pas une prime d’équipe parce qu’elle n’est pas attribuée à l’occasion de la fourniture de prestations déterminées mais seulement pour rester à la maison en stand-by. L’indemnité de garde fait en revanche bien partie des rémunérations imposables qui servent de base pour le calcul de la dispense (voy. infra).
 
À partir du 1er avril 2024, la prime d'équipe ou de nuit devra être explicitement reprise :

  • soit, dans une convention collective de travail (CCT) ;
  • soit, dans le règlement de travail ;
  • soit, dans le contrat de travail entre l’employeur et le travailleur.

Si la prime ne remplit pas cette condition, elle n'entrera pas en ligne de compte. La dispense de versement de précompte professionnel pour travail de nuit ou celle pour le travail en équipe ne pourra alors plus être appliquée.
 
Obligation de respecter la « norme du tiers »

La dispense de versement de précompte professionnel est uniquement octroyée pour les travailleurs qui, conformément au régime de travail auquel ils sont soumis, travaillent au minimum un tiers (33 %) de leur temps en équipe ou de nuit durant le mois concerné.

Cette évaluation se fait, depuis le 1er janvier 2022 et un arrêt de la Cour de Travail de Mons du 21 octobre 2020, uniquement sur la base du nombre d’heures et non plus de jours.
 
Quid si l’exécution du contrat de travail est suspendue ? Dans ce cas, la « norme du tiers » doit être calculée comme suit : (A + B) / (C – D), où :
A = le nombre d’heures de prestations effectives de travail en équipe ou de nuit pour le mois concerné (et pour lesquelles l’employeur a effectivement octroyé une prime d’équipes ou de nuit)
B = le nombre d’heures pour lesquelles l’exécution du contrat de travail a été suspendue et le salaire a été payé par l’employeur et durant lesquelles le travailleur concerné, conformément à son régime de travail, aurait presté en équipe ou de nuit pour le mois concerné (et pour lesquelles l’employeur aurait donc effectivement octroyé une prime d’équipes ou de nuit)
                C = le nombre d’heures de prestations de travail normales pour le mois concerné
                D = le nombre d’heures pour lesquelles l’exécution du contrat de travail a été suspendue et le salaire n’a pas été payé pour le mois concerné
 
Les suspensions de l’exécution du contrat de travail pour lesquelles le salaire est payé totalement ou partiellement par l’employeur sont considérées comme une suspension de l’exécution du contrat de travail pour laquelle le salaire est payé. Par exemple :

  • les périodes d’incapacité de travail qui sont la conséquence d’une maladie ou d’un accident et pour lesquelles l’employeur a payé totalement ou partiellement le salaire
  • les vacances annuelles (employés ET ouvriers)
  • les périodes de petit chômage ou courtes absences rémunérées
  • les 3 premiers jours du congé de naissance.

 
Exemple de calcul de la norme du tiers.
 

Jours de travail Nature du régime
Lundi Pas de travail de nuit ou en équipes
Mardi Pas de travail de nuit ou en équipes
Mercredi Pas de travail de nuit ou en équipes
Jeudi Travail en équipes (6 heures)
Vendredi Travail en équipes (6 heures)

 

Mois de mars Nombre d’heures prestées Nombre d’heures de (travail en équipes) Nombre d’heures pour lesquelles l’exécution du contrat de travail a été suspendue et le salaire a été payé par l’employeur
Aurait travaillé en équipes ou de nuit N’aurait pas travaillé en équipes ou de nuit
Semaine 1 Du lundi 2 au vendredi 6 mars 38 12 - -
Semaine 2 Du lundi 9 au vendredi13 mars 8 0 12 18
Semaine 3 Du lundi 16 au vendredi 20 mars 38 12 - -
Semaine 4 Du lundi 23 au vendredi 27 mars 38 12 - -
Semaine 5 Du lundi 30 au mardi 31 mars 8 0 - -

 
Hypothèse : travailleur malade du mardi 10 au vendredi 13 mars
La « norme du tiers » pour le travailleur concerné pour le mois de mars s’établit comme suit :
((12+0+12+12+0)+12) / (38+8+38+38+8) = 48/130 = 0,37
A condition de respecter toutes les autres conditions légales, l’employeur peut appliquer la dispense de versement de précompte professionnel pour travail en équipes pour le mois de mars car la norme du tiers est respectée.
 
Précisons qu’en vue du calcul de la norme du tiers, les prestations en équipes ou de nuit ne peuvent pas être cumulées pour déterminer si la norme du tiers est respectée. Les prestations fournies dans le cadre du travail en équipes et du travail en continu peuvent par contre être cumulées, la définition d'une entreprise fonctionnant selon un système de travail en continu répondant en effet aux conditions fiscales d'une entreprise où s’effectue du travail en équipes.
 
Montant de la dispense

La partie du précompte professionnel que l’employeur est dispensé de verser au Trésor est égale à un pourcentage des rémunérations imposables. Celui-ci varie en fonction du type de dispense.
 

Type d’occupation Pourcentage de la dispense
Travail de nuit/en équipes 22,80 %
Travail en continu 25,00%

 
La dispense de versement de PP est à appliquer sur la rémunération imposable incluant les primes d’équipes/de nuit ainsi que les ATN, à l’exclusion des autres primes, du double pécule de vacances, de la prime de fin d’année, des arriérés de rémunération, des indemnités de rupture de contrat et des indemnités en réparation d’une perte temporaire de rémunération.
 
Exemple de calcul (dispense pour travail en équipes)
 

Rémunération imposable 2.500,00 EUR
Précompte professionnel 339,12 EUR
Dispense théorique (22,80 % de l’imposable) 570,00 EUR
Dispense effectivement calculée 339,12 EUR
Dispense « perdue » (570,00 – 339,12) ? 230,88 EUR

 
Jusque fin 2017, si la dispense calculée par travailleur était supérieure au précompte professionnel retenu, l’employeur « perdait » une partie de la dispense. Dans l’exemple ci-dessus, le montant de 230,88 EUR ne pouvait pas être imputé sur du PP restant auprès d’un autre travailleur travaillant également en équipes (approche individuelle)
 
Depuis 2018, la partie de la dispense au-delà du précompte professionnel retenu sur la rémunération d’un travailleur peut être imputée sur le précompte professionnel restant d’autres collaborateurs qui travaillent dans un même système de travail en équipes et/ou de nuit ou de travail en continu (approche collective).
 
Remarque : depuis le 1er octobre 2022, la dispense pour le travail en équipe ou le travail de nuit n’est autorisée pour les entreprises de travail intérimaire qu’à la condition que celles-ci aient obtenu l'accord de l'entreprise qui occupe les travailleurs intérimaires afin d’appliquer la dispense pour le travail en équipes ou la dispense pour le travail de nuit.
 
Pas de cumul des dispenses

La dispense de versement de précompte professionnel pour le travail en équipes ou de nuit est scindée en deux dispenses distinctes. Les conditions applicables à la dispense pour le travail en équipes et celles applicables à la dispense pour le travail de nuit sont évaluées séparément depuis le 1er avril 2022.

La dispense de versement de précompte professionnel dans le cadre du travail en équipes ne peut pas être accordée si la dispense de versement de précompte professionnel dans le cadre du travail de nuit est octroyée sur la même rémunération (et inversement).

En ce qui concerne la combinaison du travail en équipes et d’un système de travail en continu, la dispense majorée pour un système de travail en continu (25 %) peut uniquement être appliquée au précompte professionnel lié aux prestations des équipes qui répondent aux conditions d'un système de travail en continu.
 
Formalités

Pour bénéficier de la dispense de versement de précompte professionnel, l’employeur doit remettre 2 déclarations distinctes en matière de précompte professionnel pour la période où il a attribué des rémunérations pour lesquelles il invoque la dispense.  La première concerne les rémunérations imposables payées/octroyées à l’ensemble des travailleurs.  La seconde se rapporte uniquement aux rémunérations des travailleurs pour lesquels il y a une dispense de versement du précompte professionnel ainsi qu’au montant de cette dispense.
Ces déclarations doivent chacune contenir des mentions spécifiques.
 
Charge de la preuve

L’employeur (ou l’entreprise de travail intérimaire) qui souhaite revendiquer la dispense de versement du précompte professionnel pour le travail en équipes ou de nuit supporte la charge de la preuve des éléments de fait ouvrant le droit à la dispense. 
 
A ce titre, il convient de tenir à disposition de l’administration une liste nominative contenant pour chaque travailleur :

  • l’identité complète ;
  • le nombre d’heures de travail effectivement prestées en travail en équipes et/ou de nuit pour lesquelles le travailleur a également obtenu une prime/de nuit ;
  • le cas échéant, le nombre d'heures pour lesquelles l'exécution du contrat de travail a été suspendue et pour lesquelles le salaire a été maintenu par l'employeur s'il peut être démontré que le travailleur concerné, conformément à son règlement de travail, aurait travaillé en travail en équipe et/ ou de nuit et aurait également obtenu pour cela une prime d'équipe et/ou de nuit ;
  • le nombre total d'heures de travail effectivement prestées ;
  • le cas échéant, le nombre total d'heures pour lesquelles l'exécution du contrat de travail a été suspendue mais avec maintien du salaire ;
  • les rémunérations imposables déterminées conformément à l'article 31, alinéa 2, 1° et 2°, du C.I.R.92, payées ou attribuées au travailleur, à l'exclusion du double pécule de vacances, de la prime de fin d'année et des arriérés de rémunérations ;
  • le montant du précompte professionnel retenu sur ces rémunérations ;
  • le montant de la prime d'équipe et/ou de nuit payée ou attribuée pour le travail effectué au cours de ce mois.

 
L’administration peut toujours vérifier l’exactitude des données reprises dans ce document et en exiger les pièces justificatives nécessaires.
 
Si vous estimez respecter les conditions pour bénéficier d’une dispense de versement de précompte professionnel, n’hésitez pas nous contacter pour la mettre en œuvre.

 

Sources : Art. 275 du C.I.R. 92
Circulaire AGFisc N° 14/2016 (n° Ci.704.947) dd. 09.05.2016 (Annexe 6)
Q. n° 250 de la députée Ellen Samyn, 22 février 2021, Q.R. Parl., Chambre, 2020-2021, n° 55-043, 17 mars 2021, p. 164
Cour Travail de Mons 21.10.2020 (rôle n°2019/RG/203)
 
Circulaire n° 2019/C/42 relative à la dispense de versement du précompte professionnel pour le travail en équipe et de nuit, www.fisconetplus.be,SPF Finances, 27 mai 2019.
 
Arrêté royal du 19 mai 2022 modifiant les dispositions en matière de la dispense de versement de précompte professionnel dans l’A.R./C.I.R.92 (M.B. 30.05.2022, p. 45167)

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