Consécration prochaine d’un droit individuel à la formation !

Dans le cadre du plan d’action pour le pilier européen des droits sociaux, l’Union européenne a notamment fixé en mai 2021 de nouveaux objectifs ambitieux pour 2030 concernant la participation à la formation continue des travailleurs.

Prenant la balle au bond, le gouvernement belge, via son « deal pour l’emploi », initié par le projet de loi du 7 juillet 2022, a clairement décidé de s’inscrire dans la réalisation de ces objectifs et de s’investir dans la formation des travailleurs tout au long de leur carrière, enjeu fondamental pour l’augmentation du taux d’emploi.

Le droit à la formation avait déjà été réformé dans le cadre de la loi sur le travail faisable et maniable du 5 mars 2017.  Il a cependant été décidé de passer à la vitesse supérieure.
 
L’objectif de formation de formation interprofessionnel de 5 jours de formation en moyenne par an par équivalent temps plein devrait en effet rapidement faire place à droit individuel à 5 jours de formation par an pour un travailleur à temps plein. Le principe d’un calcul d’une moyenne de nombre de jours de formation au niveau de l’entreprise est donc abandonné.

Signalons d’emblée que les volets suivants de la législation actuelle resteront inchangés :

  • la définition de la formation (formelle/informelle, formations numériques, e-learning);
  • les entreprises de moins de 10 travailleurs et de moins de 20 travailleurs continueront mutatis mutandis de relever des régimes d’exception ou de dérogation;
  • aucun mécanisme de sanction ne s’appliquera.


Champ d’application

Les nouvelles dispositions législatives seront d’application aux employeurs et travailleurs qui entrent dans le champ d’application de la loi du 5 décembre 1968.

Les employeurs qui emploient moins de 10 travailleurs seront cependant exclus du champ d’application de la réforme. Cette exclusion est justifiée par le fait que le législateur estime que dans les entreprises qui emploient moins 10 travailleurs, le recours à des formations informelles et sur le lieu de travail est beaucoup plus répandu et suffisant.

Le nombre de travailleurs occupés est calculé en équivalents temps plein sur la base de l’emploi moyen de la période de référence précédant la période de 2 ans débutant pour la première fois le 1er janvier 2022.

La période de référence est la période constituée du 4ème trimestre de l’avant-dernière année (n-2) et des 3 premiers trimestres de l’année précédente (n-1) précédant la période de deux ans.

Pour calculer le nombre moyen de travailleurs occupés en équivalents temps plein au cours de la période de référence, le nombre total de travailleurs en équivalents temps plein déclarés à la fin de chaque trimestre de la période de référence est divisé par le nombre de trimestres pour lesquels l’employeur a déclaré à l’Office national de sécurité sociale les travailleurs soumis à la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

Si l’employeur n’est pas tenu de présenter des déclarations à l’Office national pour la période de référence visée, le nombre de travailleurs employés le dernier jour du trimestre au cours duquel a eu lieu la première occupation suivant la période de référence est utilisé pour déterminer la moyenne.

 
Entreprises d’au moins 20 travailleurs

Dans les entreprises d’au moins 20 travailleurs (voir mode de calcul supra), le droit individuel à la formation d’un travailleur à temps plein sera d’au moins 4 jours en 2023 et 5 jours par an en 2024, le cas échéant exprimés en heures. Une convention collective de travail peut modifier ce nombre sans qu’il puisse être inférieur à 2.

Précisons d’emblée qu’il s’agit d’un droit pour le travailleur et non d’une obligation dans son chef. Le non-exercice de ce droit, c’est-à-dire le fait de ne pas prendre les jours de formation, ne pourra jamais être, par exemple, constitutif d’un motif de licenciement.

Les jours individuels de formation représentent une moyenne sur plusieurs années. Ce régime offre la possibilité de concrétiser de manière flexible le droit individuel à la formation en fonction du moment où le travailleur en a le plus besoin. Il est donc possible qu’un travailleur suive plus de 5 jours de formation une année donnée et moins une autre année. La période sur laquelle la moyenne de 5 jours par an doit être respectée, ne peut toutefois pas dépasser 5 ans.

En d’autres termes, les jours de formation non épuisés une année, sont reportés à l’année suivante. Cependant, afin de ne pas reporter indéfiniment les jours de formation d’une année à une autre, le but est que le travailleur, à compter du 1er janvier 2024, par période de 5 ans, ait suivi en moyenne au moins 5 jours de formation par an. À la fin de la période de 5 ans, le solde du crédit formation disponible sera remis à zéro.
 
Le nombre de jours de formation pour le travailleur qui n’est pas occupé à temps plein et/ou qui n’est pas couvert par un contrat de travail toute l’année calendrier, compte tenu de son contrat de travail, est déterminé sur base de la formule suivante : A x B x C où :

 “A” correspond au nombre de jours de formation octroyés au sein de l’entreprise pour un travailleur occupé à temps plein ;
“B” correspond au régime de travail du travailleur par rapport à un régime temps plein ;

“C” correspond au nombre de mois divisé par douze pendant lesquels le travailleur a été occupé au sein de l’entreprise. Tout mois entamé est considéré comme un mois presté complètement.


Concrétisation

Le droit individuel à la formation (4 jours de formation en 2023 et, à partir de 2024, 5 jours de formation par an pour un travailleur à temps plein), devra être concrétisé :

  • soit via une convention collective de travail (CCT) sectorielle
  • soit au moyen d’un compte formation individuel.

Outre le droit individuel à la formation en tant que tel, la CCT sectorielle peut définir une trajectoire de croissance qui fixe dans quelle mesure le nombre de jours de formation est augmenté, afin de réaliser un droit individuel à la formation de 5 jours minimum par an à partir du 1er janvier 2024. Pour déterminer cette trajectoire de croissance, il sera tenu compte du nombre de jours de formation existants au 1er janvier 2023.

Une CCT sectorielle rendue obligatoire peut modifier la trajectoire de croissance et le nombre de jours mentionné ci-dessus (sans toutefois pouvoir le réduire à moins de 2 = minimum). La conclusion d'une CCT sectorielle ne peut non plus pas avoir pour conséquence de réduire le nombre de jours de formation dans le cas où le nombre de jours octroyés pour une année déterminée était supérieure à 2 jours au niveau du secteur ou de l’entreprise.

La CCT sectorielle devra également reprendre :

  • un cadre pour l’exécution pratique du droit individuel à la formation et pour la réalisation de la trajectoire de croissance;
  • les formations qui sont prises en compte pour déterminer le nombre de jours individuels de formation, dont au moins les formations formelles et informelles ainsi que les formations sur les matières concernant le bien-être des travailleurs.

La CCT doit être déposée auprès de la Direction du greffe et de la force obligatoire des conventions collectives de travail de la Direction générale Relations collectives de travail du SPF ETCS au plus tard le 30 septembre de la première année de la période de 2 ans qui débute pour la première fois le 1er janvier 2023 ou à une autre date déterminée par le Roi.
 
En l’absence d’une convention collective de travail, le droit individuel à la formation sera concrétisé via la fixation et l’octroi d’un crédit formation dans le cadre du compte formation individuel. Le crédit formation dont dispose le travailleur occupé à temps plein via ce compte individuel formation ne peut en aucun cas être inférieur à 4 jours de formation minimum par an en 2023 et à 5 jours de formation minimum par an à partir de 2024.

Le compte formation individuel consiste en un formulaire reprenant les mentions suivantes :

  •  l’identité complète du travailleur à savoir: nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile, numéro de registre national;
  • le régime de travail dans lequel le travailleur est occupé;
  • la ou les commission(s) paritaire(s) ou la ou les sous-commissions paritaires compétentes;
  • le crédit formation ;
  • le nombre de jours de formation suivis et ceux restant à utiliser ou à reporter à l’année suivante;
  • la trajectoire de croissance.

Des mentions complémentaires peuvent être prévues par arrêté royal.

Le formulaire devra être conservé dans le dossier personnel du travailleur, géré par le service du personnel de l’employeur et en fait partie intégrante. Il peut être tenu soit sous forme papier soit sous forme électronique.

Lorsque le compte formation individuel est mis en place pour la première fois, l’employeur en informera tous les travailleurs concernés.  L’employeur informera également chaque nouveau travailleur concerné de l’existence d’un compte formation individuel au sein de l’entreprise.

Lorsque le travailleur suit une formation, le nombre de jours de formation suivis doit être mentionné aussi rapidement que possible dans le compte formation individuel.

Au moins une fois par an, l'employeur informe le travailleur concerné du solde du crédit formation et lui rappelle ses droits à la consultation de son compte formation individuel et à la correction des erreurs.
 
Si aucun jour de formation ou de crédit formation n’est octroyé au travailleur par une convention collective de travail ou via un compte formation individuel, un droit individuel à la formation pour un travailleur employé à temps plein, de minimum 4 jours de formation par an, à partir du 1er janvier 2023, et de minimum 5 jours de formation par an, à partir du 1er janvier 2024, s’applique au sein de l’entreprise.
 

Entreprises entre 10 et 20 travailleurs

Les employeurs occupant au minimum 10 et moins de 20 travailleurs, exprimés en équivalent temps plein, doivent garantir un droit individuel à la formation et un crédit formation d’1 jour de formation minimum dont le travailleur occupé à temps plein durant toute l’année dispose sur base annuelle. Ce nombre de jours de formation minimal peut certes être augmenté par arrêté délibéré en Conseil des ministres.

Ce quota minimum peu élevé s’explique par le fait que la formation est souvent suivie de manière informelle dans les entreprises comptant moins de travailleurs et que les partenaires sociaux sont les mieux placés pour définir le nombre de jours pour les “petites” sociétés faisant partie de leur ressort.

Le nombre de jours de formation auquel les travailleurs ont droit doit être fixé avant le 30 septembre de chaque année.

Le solde des jours de formation non épuisé à la fin de l'année sera transféré à l'année suivante, sans que ce solde ne puisse être déduit du crédit formation auquel a droit ce travailleur l’année suivante. Cependant, afin de ne pas reporter indéfiniment les jours de formation d’une année à une autre, le travailleur, doit à compter du 1er janvier 2024, suivre au moins 1 jour de formation par an par équivalent temps plein. À la fin de la période précitée de cinq ans, le solde du crédit formation disponible est remis à zéro.

Les partenaires sociaux pourront, le cas échéant, déroger aux dispositions ci-dessus par convention collective de travail rendue obligatoire.
 

Formation pendant ou en dehors des heures de travail ?

La formation peut être suivie par le travailleur, soit pendant son horaire de travail habituel, soit en dehors de son horaire de travail habituel.

Lorsque la formation est suivie en dehors de son horaire de travail habituel, les heures correspondant à la durée de la formation donnent droit au paiement de la rémunération normale sans cependant donner lieu au paiement d’un sursalaire éventuel.

 
Sort des jours de formation à la fin du contrat de travail ?

En cas de licenciement pour motif grave ou en cas de démission du travailleur, le travailleur n’a pas le droit de prendre son crédit formation cumulé avant que son contrat de travail ne soit terminé. Le crédit de formation non épuisé ne donne lieu, ni à une majoration du délai de préavis, ni à une majoration de l’indemnité de préavis.
 
En cas de licenciement, non imputable au travailleur, celui-ci a le droit de prendre son crédit formation cumulé avant la fin de son contrat de travail. Il appartiendra à l’employeur et au travailleur de régler le sort de ces jours de formation et de quelle manière ces jours peuvent être pris. Si la période de préavis est remplacée en tout ou en partie par une indemnité de rupture, ce crédit formation encore ouvert est considéré comme un avantage acquis en vertu du contrat.

Le Roi peut déterminer, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, quand et comment ce crédit formation non épuisé sera valorisé via un crédit formation individuel du travailleur.
 
Les nouvelles dispositions détaillées dans la présente note entreront en vigueur le jour de leur publication au Moniteur Belge, ç’est-à-dire en principe d’ici quelques semaines.
 
Source : Projet de loi du 7 juillet 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail (DOC 55 2810/001).

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